... mais quand même...
Environnement
Sujet
Action
(dans l'ordre ou le désordre)
grand angle
objectif standard
télé ou macro
surprenant
original
simple
bref
vrai
là
!
Mais, le fond ou la forme?
Le fond bien sûr, influençant (et influencé par) la forme...
du crayon au carnet
du carnet à l’ordi…
le haïku désincarné
"La règle n'est pas un modèle fixe, c'est le souffle inspirateur qui structure"
Shitao
S'il y a de la poésie c'est qu'il y a de l'indicible.
"L'âge d'or de la littérature sera arrivé quand on n'aura plus besoin de préface"
"... l'ambition d'une oeuvre à ce point parfaite qu'elle ne laisse aucune place au commentaire, imposerait face à elle le silence."
Friederich Schlegel
Peu me suffit…
" Le wabi sabi, c'est la beauté de ces choses qui semblent ignorer le temps : … métaux patiné, … tapis élimés, théière culottée
C'est tout ce qui porte la marque du temps, tout ce qui n'est pas mort dans l'uniformité. Inutile de préciser que l'esthétique du wabi sabi exclut le trop ! "
Dominique Loreau, L'Art de l'essentiel - J'ai Lu n° 9051
« …saisir l'instant et le relier au passé (ce fueki ryuko si cher à Bashô) C'est ce que j'appelle le "summum du haïku". C'est ce qui le classe au rang de poème. C'est ce qui le différencie
de la banalité (toujours selon Bashô, il faut écrire sur le banal sans faire dans la banalité). »
Dominique Chipot
Pour finir et bien que cela n’a pas grande importance, un constat : en cherchant
dans mes anciens tercets quelques haïkus pour un projet, j’ai découvert et constaté que très peu de ces anciens textes présentaient le moindre intérêt à mon regard d’aujourd’hui (environ
moins d’un sur trente au maxi !) Mais sur ce petit nombre restant, certains, très peu, m’ont encore surpris ou ému et c’est bien suffisant.
Mais quand même...
« Si chacun de nous avouait son désir le plus
secret, celui qui inspire tous ses
projets et tous ses actes, il dirait: "Je veux être loué. »
Cioran
La mode est aux commentaires : ils dégoulinent après
chaque article des journaux et publications sur internet, parfois pour le meilleur, souvent pour le pire.
Quand on écrit un poème bref, à fortiori un haïku, on va à l’essentiel. Lorsqu’on a éliminé le superflu ce n’est pas pour ensuite diluer, remplir les vides et fermer les portes ; si on
éprouve le besoin de faire des phrases autant le faire dés le début.
On sait que le haïku doit se suffire à lui-même, même un titre est souvent une béquille superflue.
Pourtant, les commentaires
fleurissent avant ou après certains haïkus. Ce besoin part sûrement d’une bonne intention technique et pédagogique mais est il indispensable de tout expliquer de tout analyser? Je suis presque
toujours rationaliste mais lorsque je m’aventure dans les mystères de la poésie je n’ai pas envie qu’on m’explique le merveilleux, les « tours de magie », qu’on me démontre ou me
démonte le mécanisme qui m’a ému à la lecture d’un simple haïku ; et puis, quand on aime quelqu’un, si l’on cherche à savoir pourquoi c’est déjà qu’on se demande si on aime…
S'il y a de la poésie c'est qu'il y a de l'indicible.
Bref, c’est dur de l’être et de le rester… (honni soit qui mal y pense !).
"L'âge d'or de la littérature sera arrivé quand on n'aura plus besoin de préface"
"... l'ambition d'une œuvre à ce point parfaite qu'elle ne laisse aucune place au commentaire, imposerait face à elle le silence."
Friederich Schlegel
"Toutes sortes de mythologies concernent le haïku en occident. En raison de sa
concision, les lecteurs d'Europe s'imaginent que le haïku condense l'essentiel de l'expérience poétique. Ils lui attribuent le privilège surnaturel d'exprimer la vérité sans objet d'une sagesse
ineffable…
Le haïku n'existe qu'en raison même de son attachement à la fibre triviale et modeste du monde. Car avec lui, renonçant au symbole , le poème se déshabille de toute rhétorique pour pointer du
doigt, en un geste bref et libre de toute implication métaphysique, la silhouette seule des choses sous le regard d'un œil absent…
L'idéalisme d'Occident veut que le poème soit révélation de l'Etre dans sa quintessence la plus pure. Le haïku, tel qu'on se le représente en Europe ou en Amérique, vient servir cette
mystification avec complaisance. On veut lire en lui l'indice absolu d'une manifestation si transcendante de la vérité qu'avec elle la parole se dispense de toute nécessité de contenu et
communique à vide avec le grand silence émerveillé et vain de l'univers.
En vérité : le haïku est un art sans autre mystère que la confusion entretenue autour de lui par l'exotisme spiritualiste des philosophes, des poètes et des autres esprits religieux d'Orient et
d'Occident. C'est pourquoi il y a une grande ironie à le voir devenu en Europe le refuge même de l'idéalisme poétique quand, historiquement, au Japon, c'est précisément en rupture avec un tel
idéalisme qu'il s'est d'abord constitué.
Deux siècles et demi avant Issa, un ancien guerrier du nom de Yamajkozi no Sôkan, jette le vers noble aux chiens noirs de la prose et, tourne en dérision la poésie de cour, compile un recueil
satirique intitulé Inu Tsubkubashu. En japonais, inu signifie "chien". Le haïku naît vraiment avec ce pavé dans la mare. Il faudra attendre Basho au siècle suivant pour tout ramener à l'ordre et
imposer à la grande anarchie poétique japonaise la marque méditative de son génie contemplatif."
Philippe Forest in Sarinagara (Folio)
"Je ne me débarrasserai pas de mon émotion en copiant l'arbre avec exactitude, ou en dessinant les feuilles une à une dans le langage courant"
Matisse
"Peu de mots suffisent pour celui qui comprend. "
Stendhal (Le rouge et le noir)
Oh! Regarde comme ça sent!
Genet en fleurs
Rappel des règles d'écriture communément admises pour le haïku proposé par Serge Tomé :
Caractéristiques minimales
--------------------------
- Structure en deux segments logiques, généralement organisés en trois lignes
- Présence d'une référence à un environnement universellement partagé
- Le haïku exprime l'instant vécu
- Le haïku parle de choses simples, avec des mots simples, dans un style simple
Idéalement
-----------
- Ces trois "lignes" sont selon le rythme court/long/court
- Rechercher la vue originale, le regard neuf sur une chose commune
- Écrire pour être lu en une seule respiration
- Utiliser le rythme présent dans les mots (longueurs et sons)
- Réaliser une relation de comparaison, d'opposition de renforcement entre deux
images
- Il ne contient pas de métaphore
- Il est centré sur ce qui se passe, pas sur l'auteur. Ne pas faire de soi
le sujet principal (ou alors adopter une vue externe sans se citer
explicitement)
- Il ne contient pas de description émotionnelle tel que "triste", "heureux",
"solitude"
(les émotions doivent être "suggérées" par des mots objectifs).
- L'évocation de choses que les gens peuvent voir, entendre, sentir, toucher,
goûter
(le haïku est une photographie qui utilise nos "cinq sens")
- Un bon haïku doit répondre à la question :
est-ce que ce moment vaut la peine d'être partagé ?
À éviter
--------
- les images abstraites (à utiliser occasionnellement seulement)
- parler de soi, en faire le sujet explicite essentiel du haïku
- le style télégraphique
- le haïku qui n'apporte rien
- le mot rare ou recherché
- la "liste de commission" (une simple énonciation de choses sans relation entre
elles)
- les procédés poétiques occidentaux
Sont généralement non reconnus et donc à exclure
--------------------------------------------------
- la comparaison explicite : comme...
- les sentiments personnels explicites
- "le message" dans sa forme explicite
- expliquer tout au lecteur, dire ce qu'il doit penser, comprendre
(lui expliquer a pas vu, inventerla fin, le comment)
- le style obscur
- l'humour cynique, le mépris de la vie
- le proverbe, la formule
- écrire ce que l'on
- l'aspect moralisateur ou le "jugement"
5) Le haïku doit s'écrire au présent.
(Article publié dans la revue 575)
De l'ambigüité dans le "haïku occidental"(1)...
Il peut y en avoir dans sa formulation: c'est lié à sa nature et à son esprit qui privilégie l'ouverture, le "non dit", le flou, mais aussi parfois dans les excès que cela permet : comment et jusqu'où ne pas dire?! (explicite ou non, " le haïku veut toujours dire quelque chose")
Privilégier la suggestion, l'implicite (qui trop en dit rien ne dit!), masque parfois des dérives liées à la difficulté de traduire ou simplement de dire ce que l'on voit ou ressent. C'est un peu la même problématique avec la musique expérimentale, l'art conceptuel ou abstrait… On ne les conçoit et les apprécie au final que si l'on a assimilé et admis tout ce qui précède, si l'on parle le même langage (je simplifie un peu!); sinon on est dans la supercherie, l'arnaque, au mieux le malentendu. Si j'osais, je dirais que trop de "non dit" tue le "non dit" ou que le vide métaphysique peut vite se confondre avec la vacuité intellectuelle… et qu'alors il vaut mieux privilégier le silence!
Qu'il est tentant, lorsqu'on ne peut exprimer une sensation, une impression de penser qu'en s'abstenant de les formuler de façon significative l'autre saura faire ce que l'on n'a pas su.
Si l'on arrivait toujours à traduire concrètement toutes les choses géniales que l'on rêve, imagine ou entrevoit le monde serait plein d'artistes géniaux, dans tous les domaines: les photos prises uniquement avec l'œil, le roman élaboré que dans la tête, la peinture virtuelle!! Ben voyons!
Le haïku, par la simplicité apparente de sa réalisation, est, plus que d'autres formes
complexes d'expression artistique, souvent victime de cette facilité… qui favorise aussi son accessibilité et son succès!
La sincérité et l'humilité dans la pratique semble être les meilleurs remèdes à ce travers… Pour les lecteurs, un peu de lucidité et un certain naturel éviteraient parfois de prendre des clichés
pour des lanternes… et les points de suspension pour des points de vue…
(1) Peut-on parler de haïku occidental… ou français… ou canadien!? Oui, si l'on considère les différences de mœurs, de culture, d'écriture… Même en essayant de s'imprégner de "l'esprit haïku", on ne voit pas trop pourquoi et comment écrire "à la japonaise"… sauf à risquer en les singeant de tomber dans des "japoniaiseries" et dans ce qui constitue parfois une caricature du haïku : la mièvrerie. Des japonais conseillent de plus en plus aux occidentaux d'écrire de façon originale en gardant ce qui fait leur identité et leur particularité (2). Après, la dénomination compte peu… le Dieu de chacun et surtout l'amateur reconnaitra les siens!
(2) "Le genre du haïku s’est répandu d’Orient en Occident et les haïkus internationaux n’ont pas besoin de s’étendre sur les quatre saisons de l’archipel japonais ou d’imiter la structure 5-7-5 du haïku japonais. Rompre avec le thème poétique clé du style japonais qu’est la beauté de la nature est précisément ce qu’on peut attendre de la section internationale. Cette année, cette notion a fait son chemin dans l’esprit et la conception des auteurs, et a donné naissance à d’excellents poèmes."
Mainichi TORU HAGA (Président of The Mainichi Newspapers Co., Ltd)
L'esprit n'est rien sans la matière
Comment formuler un baiser
A.C.
Réponse de Mallarmé à Degas qui se plaignait de la difficulté d'écrire des poésies bien qu'il eut, disait-il, des idées: " Mais Degas, ce n'est point avec des idées que l'on fait des vers… C'est
avec des mots."
aqua fresca
vino puro
figua stretta!
Un texte, dans le cadre des "règles floues", déjà paru dans la revue numérique 575; suite à quelques mails, je précise
que, com'd'hab, c'est à lire par moments au second degré… mais pourquoi pas aussi au premier...
Haïku senryû…
Les
points de suspension… symbole de mutisme et moyen d’expression.
Le haïku, dans l’idéal, devrait se suffire à lui même et s’affranchir des indications de la ponctuation; l’idéal étant difficile à entrevoir et encore plus à formuler, quelques signes sont
parfois bienvenus.
Les signes de ponctuation ont tous des fonctions et des significations très précises les rendant inadaptés à l’ouverture et au flou recherché dans le haïku (les différents tirets, par
exemple, souvent utilisés de façon fantaisiste, hors des conventions, ne sont plus ou moins compris que par les seuls lecteurs "initiés", c'est à dire peu de monde!). Un seul signe semble
destiné à se fondre dans lui (haïku ou senryû) et à respecter son esprit, c’est… eux !
Trois têtes
dans les glaces du bar…
C’est bien moi
Les points de suspension permettent la juxtaposition et la cohabitation antagoniste entre la parole et le silence. Ce sont les étincelles ou les trous dans le halo estompant le haïku… Ils disent l’indicible ou le constituent… Ils vont jusqu’à reprendre le nombre impair caractéristique et peuvent même constituer et remplacer le mot de césure (kiréji) !
les six pattes
du flamant rose et de ses
petits...
court long court
Plus prosaïquement les traités de prosodie leur
attribuent des valeurs en harmonie avec l’esprit haïku : une hésitation, une interruption dans la phrase ; une reprise traduisant un
trouble ou sa difficulté d’expression; une invitation à poursuivre une réflexion ; un inachèvement qui sollicite l'imagination du lecteur;
une "pause dans la pensée"...
Ils peuvent aussi exprimer la réticence à formuler, par inaptitude, par pudeur, par respect, par humilité…
Ils sont non explicites, contrairement à ceux d’interrogation, d’exclamation ou final.
Ils jouent parfois le rôle fascinant et ambigu d’une porte ouverte… sur le vide…
Et puis avec un peu (beaucoup !)
d’imagination ils font penser aux points des pointillistes pour
reconstituer une image...
entre ciel et eau
trois flamants roses en suspension…
trois points c’est tout
Comme pour tous les codes on peut toujours s’en affranchir et les utiliser nature…
La tentation, bien sûr, est d’en abuser et de suspendre l’expression… de faire comme ceux qui veulent peindre sans pinceau, écrire sans stylo ou photographier sans appareil, ben voyons !
Au pire, utilisez les tel quel (nature et halo !)
premier rendez vous
devant son regard assassin
point de suspense…
festival d’Avignon
juste après les trois coups…
un vrai tonnerre
au café
sur son passage
les phrases…
un deux trois…
jamais pu compter sur elle
ses grains de beauté
…
Il faut
qu’il y ait dans le poème
un nombre tel
qu’il empêche de compter.
Paul Claudel