Ce n’est pas de plaire qui est difficile, mais de ne pas chercher à plaire.
«Plutôt que d’être habile, gracieux, léger et convenu, je préfère être gauche, déplaisant, décousu, mais vrai. »
Fu Shan
« Je crois que pour être grand dans quelque chose que ce soit, il faut être soi même. »
Stendhal
« Chacun porte en lui une originalité productive qui est le noyau même de son être ; et s’il prend conscience de cette originalité, une étrange auréole, celle de l’extraordinaire, se
dessine autour de lui. »
Nietzsche
Pour essayer de répondre à une remarque dans un commentaire sur l’article « Haïsha ou haïku » :
Concernant les haïshas (ou photo haïku) on sait qu’on ne doit pas expliciter ce que montre déjà la photo (rester, là aussi, dans l’ouverture, le « non dit »); donc, soit on met un
texte qui complète, détourne, s’oppose… soit, si on pense que la photo se suffit presqu’à elle-même, on en met le moins possible (l’absurdité serait de se forcer à faire un 575 !).
La photo et le « haïku » sont deux instantanés qui se confrontent en harmonie (comme dans tous les couples équilibrés) !
Parfois, il me semble qu’on peut presque se passer des mots, mais leur présence oriente. Il exista une école de photo (en Hollande je crois, dans les années soixante dix) qui explora ce
concept : la photo dans l’esprit haïku.
D’autres aussi font ou ont fait ça très bien, Cartier- Bresson notamment...
Plus généralement les textes brefs que l’on écrit sont soit des senryûs (lorsqu’ils sont ironiques et humoristiques) soit des tercets et parfois des haïkus (les + réglementaires n’étant
pas toujours les meilleurs !); certains parlent de haïkus occidentaux (ce qui n’est pas faux !), d’autres de haïkus libres (ce qui sous entendrait que les haïkus de Basho ne l’étaient
pas !) d’autres disent que le haïku ne peut être que japonais (ce qui n’est peut être pas faux !)… Vaste sujet qui est, si l’on reste simple amateur (et donc amoureux !), aussi
important et intéressant que celui du sexe des anges ou des bonhommes de neige. :-)
touche féminine
un bonhomme de neige
sans balai
Il y a le haiku japonais (en japonais) avec toutes ses
variantes et le haiku international (en botanique, on dit une plante
échappée des cultures et qui vit sa vie). Le principal représentant est nord-américain avec une façon d’écrire
nord-américaine (américanité) qui diffère des haïkus européens encore contaminés par la formation classique
(poétique) de ses auteurs.
Les principales différences avec le haïku japonais (et poésie chinoise) sont pour moi :
- la nature complètement différente du langage, de sa syntaxe :
organisation du discours, multisens, flou du aux significations
multiples d’un même caractère/mot.
- la manière de « voir » le monde : plus holostique (influence de l’animisme).
- l’influence persistante d’une société agraire organisée selon le
rythme des saisons (importance du calendrier).
Serge Tomé (in Gong.fr)
La fleur est le paroxysme de la jouissance
La jouissance est brève et soudaine, son expression (son explosion !) doit l’être aussi.
...
De l’impression vive à l’expression brute.
(L’écrit suggère, l’imaginaire traduit.)
le maxi dans le mini
oh ! même mieux
le mini dans le mini !
Pourquoi faire long et compliqué quand on peut faire simple et court ?
Mais aussi, pourquoi faire terne et inodore quand on peut faire éclatant et parfumé ?
L’impression vive…
« Je déteste cette habitude scholastique de développer… Seuls les bavards traitent le sujet. Quand je veux traduire une impression vive, mon premier
mouvement n’est pas de laisser aller ma plume, comme disent les sots, mais un reflexe de contraction, de gêne, de refus… Je déteste les bavards, tous les chroniqueurs qui ne parlent de rien en
parlant de tout. C’est difficile d’être bref… »
Paul Morand (Journal inutile)
« La rage de l’expression…
« Que rien désormais ne me fasse revenir de ma détermination : ne sacrifier jamais l'objet de mon étude à la mise en valeur de quelque trouvaille
verbale que j'aurai faite à son propos, ni à l'arrangement en poème de plusieurs de ces trouvailles.
En revenir toujours à l'objet lui-même, à ce qu'il a de brut, de différent : différent en particulier de ce que j'ai déjà (à ce moment) écrit de lui.
Que mon travail soit celui d'une rectification continuelle de mon expression (sans souci a priori de la forme de cette expression) en faveur de l'objet brut.
Ainsi, écrivant sur la Loire d'un endroit des berges de ce fleuve, devrai-je y replonger sans cesse mon regard, mon esprit. Chaque fois qu'il aura séché sur une expression, le replonger dans
l'eau du fleuve.
Reconnaître le plus grand droit de l'objet, son droit imprescriptible, opposable à tout poème... Aucun poème n'étant jamais sans appel a minima de la part de l'objet du poème, ni sans plainte en
contrefaçon.
L'objet est toujours plus important, plus intéressant, plus capable (plein de droits) : il n'a aucun devoir vis-à-vis de moi, c'est moi qui ai tous les devoirs à son égard.
Ce que les lignes précédentes ne disent pas assez : en conséquence, ne jamais m'arrêter à la forme poétique celle-ci devant pourtant être utilisée à un moment de mon étude parce qu'elle dispose
un jeu de miroirs qui peut faire apparaître certains aspects demeurés obscurs de l'objet. L'entrechoc des mots, les analogies verbales sont un des moyens de scruter l'objet.
Ne jamais essayer d'arranger les choses. Les choses et les poèmes sont inconciliables.
Il s'agit de savoir si l'on veut faire un poème ou rendre compte d'une chose (dans l'espoir que l'esprit y gagne, fasse à son propos quelque pas nouveau).
C'est le second terme de l'alternative que mon goût (un goût violent des choses, et des progrès de l'esprit) sans hésitation me fait choisir.
Ma détermination est donc prise ...
Peu m'importe après cela que l'on veuille nommer poème ce qui va en résulter. Quant à moi, le moindre soupçon de ronron poétique m'avertit seulement que je rentre dans le manège, et provoque mon
coup de reins pour en sortir. »
Francis Ponge
« Un léger coup de sabre séparera ma tête, comme une fleur printanière que le Maître cueille pour le plaisir. Nous sommes tous des fleurs plantées sur cette terre que Dieu cueille en son temps, un peu plus tôt, un peu plus tard. Autre est la rose empourprée, autre le lys virginal, autre l’humble violette. Tachons de plaire, selon le parfum et l’éclat qui nous sont donnés… »
Saint Théophane Vénard
Le haïku : d’une impression première à une impression partagée.
« Ce que j’ai toujours aimé dans les impressionnistes (route de neige de Monet), c’est qu’on est devant un
moment, une parcelle du temps fixé à jamais. De ces millions de vilains matins de mars, des millions de gens qui l’ont vécu, il ne reste rien… qu’un Monet. »
Paul Morand (Journal inutile)
en regardant bien
on voit…
Savoir voir, savoir écouter, savoir goûter, savoir caresser, savoir respirer… savoir vivre, savoir dire…
La poésie, quelle qu’en soit la forme, c’est très peu de mots; mais ces mots là n’ont pas de fin et donc l’interprétation est infinie et indéfinie.
« Mieux vaut les choses inachevées » P.Sollers
En découvrant cette "poésie brève de l'instant", on peut s’interroger (entre autre !) sur la forme. Et bien, outre
que ces vermisseaux minimalistes n’osent pas se parer de majuscules, l’absence de ponctuation permet plus de liberté dans la lecture et dans
l’ouverture du haïku ou senryû : un certain flou, plusieurs sens (pourquoi pas cinq ?!).
On peut aussi visualiser les choses dans un certain désordre : en poésie et surtout en peinture on appelle ça « la lecture tabulaire » (opposée à la linéaire) : on
perçoit des parties d’une scène (ou du texte) et le cerveau reconstitue une vision d’ensemble subjective... une impression quoi...
« La ponctuation est un cache sexe qui sert à dissimuler les parties honteuses de la littérature. » Picasso
Mais aussi, parfois, des points de suspension provoquent l’effraction, l’évasion : il faut aller vite, on a mille choses
à dire à partager, on invite à développer à prolonger davantage l’impression première.
« A constater ce dont l’esprit se contente,
on mesure l’étendue de sa perte. » Hegel
*
Tant de poèmes sur tout et si peu de poésie
Tant de poésie partout et si peu de poètes
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Flaubert disait (Correspondance): "sentir, penser,
écrire".
Pour le haïku : alléger le "penser".
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Pour les règles strictes, ne nous privons pas du plaisir de la transgression!
Antonioni, qui admirait Rothko, lui dit lors d'une visite dans son atelier : " Mes films sont comme vos tableaux, ils ne parlent de rien, mais avec précision".
"L'image n'est pas une quelconque idée exprimée par le réalisateur, mais tout un monde miroité dans une goutte d'eau. " Andrei Tarkovski
Histoire de flou...
Ne
pas confondre le phénomène de vision (biologique) et celui de perception (culturel) ; bien sûr, l’un ne va pas sans l’autre, mais lorsqu’on traduit ses impressions la confusion s’opère et le
réel se reconstitue à la mesure de ce qui nous constitue.
« L'art d'être ennuyeux c'est de tout dire. »
Voltaire