Il est des lieux pleins de charme
où l’on ne souhaite que passer…
Une après-midi glacée passée au cimetière pour repeindre les inscriptions gravées sur la tombe familiale.
peinture longue durée
pour concession à perpétuité
La personne qui faisait cela depuis longtemps est morte. Le cimetière Saint-Lazare à Montpellier est un paradis perdu dans la ville, mais…
froid
dans le cimetière désert
vent du Nord
aux tombes de l’entrée
le bruit de la rue
mais le soleil
les tombes brillantes
après la pluie
un vieux vase
des jolies roses
bien fanées
dans le ciel
un merle sur le cyprès
silencieux
entre les tombes
un jeune homme
avec des fleurs
devant les tombes
un vieux assis sur un banc
de pierre
ceux d’en haut
ceux d’en bas…
le chant d’un oiseau
les tombes
des soldats musulmans
pour s’orienter
vent glacial
les dates et les noms
figés
Écrire à nouveau des prénoms plus ou moins longs plus ou moins oubliés.
allongé sur la tombe
repeindre les morts
en outrenoir
entre deux dates
penser à leur vie…
à l’autre
des vies courtes
concédées à perpette
entre néant et néant
beaucoup de passé
peu de reste…
Et pourtant leur vie c’est bien autre chose que les histoires cent fois dites ou que le petit tas de secrets qu’on a cru leur voler. Leur vie, unique, n’appartient qu’à eux…
Mais nos morts ne sont qu’à nous : gravés dans la tête plus que dans la pierre.
Image unique idéalisée dans l’ombre au-delà des lettres.
une araignée
prise dans la peinture
son tombeau
effacé
le père de mon père
ravivé
Écrire pour se souvenir : les mêmes lettres sur la pierre, le papier, l’écran, les supports électroniques… Au-delà de notre mémoire, qui prolongera le plus loin le souvenir ?
épeler
le prénom de ma mère
jamais dit
son nom oublié
de jeune fille avant lui
avant moi
en vain plus de temps
plus de soin sur le sien
l’allée parallèle aux tombes
le bruit du gravier
une ombre passe
sur elles avec moi
inoubliable
les yeux d’une jeune femme
effacée
En partant, l’impression d’un retour dans le temps
dedans dehors
l’illusion de se voir de loin
de se regarder…
Est-ce ainsi qu’on apprend à partir content ?