Heureux est l'homme qui a gagné le port, qui laisse derrière lui mer et tempête, qui s'assied et bois au
bistrot, près de la cheminée, en paix. Heureux est l'homme comme une flamme éteinte, heureux est l'homme, comme le sable de l'estuaire, qui a posé sa charge, s'est essuyé le front et se repose au
bord du chemin, il ne craint ni n'espère, ni attend mais il regarde fixement le coucher du soleil.
(Poéme cité dans un film italien "Le voyage de Primo Lévi" tiré de "La trève")
regardant fixement
le coucher du soleil
un homme
heureux
au bord du chemin
assis
c'est un homme
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Vous qui vivez en toute quiétude
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Bien au chaud dans vos maisons,
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Vous qui trouvez le soir en rentrant
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La table mise et des visages amis,
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Considérez si c'est un homme
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Que celui qui peine dans la boue,
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Qui ne connaît pas de repos,
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Qui se bat pour un quignon de pain,
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Qui meurt pour un oui ou pour un non.
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Considérez si c'est une femme
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Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
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Et jusqu'à la force de se souvenir,
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Les yeux vides et le sein froid
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Comme une grenouille en hiver.
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N'oubliez pas que cela fut,
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Non, ne l'oubliez pas :
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Gravez ces mots dans votre cœur,
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Pensez-y chez vous, dans la rue,
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En vous couchant, en vous levant ;
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Répétez-les à vos enfants,
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Ou que votre maison s'écroule,
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Que la maladie vous accable,
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Que vos enfants se détournent de vous.
Primo Lévi [Lien]