Il n’y a que les chemins pour calmer la vie... ou l'agiter.
jour après jour
de l’orée à la
tombée
toujours marchant
je suis le bruit de mes pas…
au loin les clochers !
Oh ! Santiago ! Santiago !
Santiago…
dernière vue
du chemin : ma joie
dans ses yeux
Arrivée à Compostelle sur la place de la
cathédrale, lieu ultime et immuable.
fin du chemin
les deux jeunes pèlerines
enfin maquillés
Ah ! l’arrivée
en
cadeau une boule
dans la gorge
Un couple s'éloigne : la femme vient
d'arriver et, en découvrant son compagnon venu l'attendre, a poussé un hurlement de victoire magnifique et prolongé.
des pèlerins rient
d'autres prient d’autres pleurent...
les mêmes
L'homme devant nous
est un récidiviste (comme moi !), il est calme et serein ; la femme avec les bretelles jaunes, qui porte son petit bébé sur son ventre et pousse une poussette, vient à pied d'Allemagne avec
son mari ; le couple avec la femme en rouge s’agenouille et, longuement, embrasse le sol (ils viennent de Hollande) ; quatre amis à gauche en vélo se congratulent bruyamment et se
photographient dans toutes les configurations possibles ; de jeunes espagnoles bruyamment repoussent la fin de quelques instants et comprennent que c’est pour la vie, comme un premier
amour…
marche éclatante…
avant moi sur l'escalier
des millions de pas
place bondée :
la vision des mesetas nues
à la place
bien en place
les touristes photographient
l’émotion
sans paroles...
juste les yeux
et les lèvres
un cycliste chauve se cache
pour pleurer
Beaucoup s'assoient ou s'allongent
longuement sur les pavés au centre de la place comme des vainqueurs qui n'arrivent plus à quitter le terrain de leurs exploits.
foule à l'arrivée
les vrais pèlerins ont la marque
des chaussettes
en solo
il ’ communie qu’avec
son portable
la pèlerine seule
serre son bâton
L'euphorie dure quelques heures puis viens la cassure du retour (les retours sont parfois plus aventureux que les départs !).
Certains, très peu, refont le chemin au retour comme les anciens pèlerins : lorsqu'on les croise - halés - couverts de poussière, ils ont la noblesse et le sourire de ceux qui savent.
fin du chemin
un couple s'embrasse
comme au début
infinisterre
le chemin mystérieux
vers l’intérieur
les yeux ouverts
rêvant de Santiago
à Saint-Jacques
Parlé avec deux hommes partis d'Alès avec cinq chevaux et tout leur bivouac : six mois de voyage, 3 aller et 3 retour par la côte ! Ils disent que c'est le voyage de leur vie… Pour
tous les autres aussi sûrement.
pas de pluie ce jour
juste à la fin un peu de bruine
dans les yeux
nuit de juin
arrivé depuis deux jours…
le bruit de mes pas
(Déjà publié dans la revue 575 haïbun.)